Chapitre 12eme
Depression
Il embrassa mon oreille et murmura à mon cœur :
« Dans ce cas, nous partirons ensemble. »
La première chose que je fis en entrant dans mon appartement fut de cacher ce maudit sachet. Je ne voulais pas qu'il nous soit accessible dans les moments de désespoir profond que nous promettait notre situation. Le poison était peut-être un remède à notre tourment, mais je ne pouvais imaginer un seul instant la mort de Félix. Cette idée me donnait envie de vomir. Je n'arrivais pas à croire que Renjun nous eût affirmé qu'était là la seule solution. Légèrement tremblant, je me retournai vers Félix. Il était assis sur mon lit, le regard vide, les bras serrés autour de ses genoux. Le voir ainsi ne me donnait aucun réconfort.
Je m'avançai alors vers lui et posant une main sur son épaule, vint embrasser le haut de son crâne.
« Je ne comprends pas, murmura-t-il ».
J'avais voulu lui répondre mais, malheureusement, il m'était impossible de formuler la moindre phrase. Tout ça n'avait pas de sens et je commençais seulement à le comprendre réellement. Nous étions victimes de la perfidie d'un destin tragique, d'une fatalité amère dans laquelle nous n'avions mot dire. Cette chose s'acharnait sur nous comme un chat avec une souris. Nous étions pris au piège entre ses pattes griffues et le seul avenir qui nous restait était la mort. Une mort lente et douloureuse, emplie de folie. Au moins avais-je Félix à mes côtés, me rassurais-je. Mais cette pensée ne faisait qu'accroître mon chagrin. Pourquoi devait-il en faire partie ? Pourquoi n'avait-il pas droit à une vie banale et saine ?
Je m'étais moi-même condamné à une vie sombre et solitaire en quittant mes grands-parents, mais lui aurait dû avoir droit à une vie lumineuse et remplie d'amour. Privée de l'amour de ses parents, privé de la joie d'une famille, il aurait dû pouvoir grandir et...
À quoi bon me tourmenter avec ça, me réprimandai-je. D'après Renjun, nous n'avions qu'une échappatoire. Mais je refusais de le croire. Il devait exister un moyen de s'en sortir. Une ruse, un remède. Et s'il y en avait un, je le trouverais et sauverais le souverain de mon cœur, et cela même si ma propre mort devait en être le prix.
Je me redressai soudain, carrant les épaules et me promettant à moi-même de trouver une solution pour son salut.
« Tout ira bien Felix, dis-je avec une voix peut-être un peu trop féroce. Je trouverai une solution. »
Il leva vers moi ses grands yeux puis eut un petit sourire indéchiffrable.
« Vous n'êtes pas obligé de faire semblant pour moi, Changbin. »
Sa remarque me troubla. Pensait-il que je mentais ? Que je feignais d'avoir retrouvé une miette d'espoir ? Mais je ne me laissai pas ébranlé par son scepticisme. Je devais le sauver. Il n'y avait pas moyen que je le laisse dépérir de folie, ou pire que je le laisse s'ôter la vie.
« Mais je ne mens pas. Je ne fais pas semblant. Je trouverai une solution ! Que savons-nous de ce Renjun pour que nous prenions son avis au sérieux ? Il ne nous a jamais vraiment aidés. »
Sur ce dernier point, je mentais. Sans lui, jamais nous ne nous serions rencontrés, sans lui nous serions peut-être déjà morts. Mais mon espoir revenait, accompagné d'une colère brûlante. Comment avait-il osé nous proposer le suicide ? Que savait-il de nous pour penser que nous ne valions que la mort ?
« Nous avons dû subir toutes ces choses, seuls, et nous trouverons donc ce remède, seuls.
- Et comment comptez-vous vous y prendre ?
- Je l'ignore... Commençons par déchiffrer cet ouvrage. Nous apprendrons peut-être quelque chose d'intéressant. Profitons qu'Elle nous laisse tranquilles pour travailler le plus possible. »
Je marquai une pause en regardant autour de nous. J'avais eu peur que de parler d'elle ne l'attire, mais la chambre était calme. Mon regard croisa celui de Felix. Une petite étincelle brillait dans le fond de ses yeux et je sus à cet instant que je l'avais convaincu.
« Avant toute chose... Nous devrions manger, pour reprendre des forces. »
Ma remarque sembla le surprendre.
« Quelque chose ne va pas ?
- C'est juste que c'est rare de vous entendre parler de manger quelque chose. »
Un sourire étira ses lèvres et réveilla en moi une vague de désir ardent. L'espace d'un instant j'avais cru voir le jeune homme plein de vie et de joie que je n'avais jamais connu, et ce Felix faisait bondir mon cœur. Sans perdre une seconde, je m'avançai et déposai mes lèvres contre les siennes. Il ne recula pas et eut un léger rire en répondant à mon baiser.
« Et bien Changbin, la vie vous va à ravir, murmura-t-il contre mes lèvres. »
Le choix de ses mots me serra la gorge. Il avait raison. Nous vivions. Je me penchai alors et baisai ses lèvres avec un appétit urgent. Il me tira à lui, se laissant tomber sur le matelas. Je pouvais sentir sa chaleur rassurante contre moi, ses mains s'agrippant au tissu de ma chemise. Je laissai mes lèvres parcourir sa peau brûlante, me délectant de son goût et de son odeur. Je l'aimais. Je l'aimais plus que tout au monde et c'était tout ce qui comptait.
Mes mains tremblantes d'envie remontèrent entre nous, suivant les courbes de son corps pour venir ôter ses vêtements. Il me laissa faire, couvrant mes lèvres et mon visage de centaines de bisous.
Lorsque je me fus débarrassé de ses vêtements, je pris quelques instants pour le regarder. Il ne dit rien, caressant seulement mon visage de son regard plein d'amour. Puis ses doigts glissèrent sur ma main et la guidèrent à mes propres habits, me faisant comprendre ses intentions. Très vite, nous nous retrouvâmes nus, offerts l'un à l'autre.
Il me serra contre lui, et nous nous embrassâmes avec un empressement maladroit. Nos corps se mêlaient dans leurs chaleurs. Et alors que nous faisions l'amour, que nous nous fondions l'un dans l'autre, il n'y avait plus de place pour le doute et la peur. Nous ne faisions qu'un. Je sentais vibrer en moi les échos de son plaisir et de son bonheur. Nous partagions, ce qu'aucun de nous n'avait jamais partagé avec personne. Nous nous donnions, l'un à l'autre sans aucune gêne, sans jugement, avec autant de respect et d'amour dont le Tout est capable.
Nous étions vivants et nous nous aimions.
×××
Je dormis très peu. Les cauchemars, avaient rempli mon sommeil, si bien qu'il m'était plus doux de rester éveillé que de replonger dans ces ténèbres. L'état d'éveil, bien qu'aussi sombre, m'offrait au moins le libre contrôle de mes actions.
Malheureusement, à mon réveil, la pièce était plongée dans une pénombre terrible. Aucune lumière, aucun rayon de lune, pas la moindre trace que la lumière n'est jamais existé. À tâtons, je me levai et guidé par la mémoire de mon appartement, je me rendis à mon bureau. Je pus finalement allumer une chandelle, éclairant quelque peu autour de moi. Mais même la flamme vive semblait incapable de jeter son éclat sur le monde. Silhouettes informes et ombres dansantes, voilà ce qu'était devenue ma chambre.
Plissant les yeux pour essayer de distinguer les contours vagues des livres, je cherchais l'énorme volume que nous avait donné Renjun. Après plusieurs minutes infructueuses, je me résignai au fait qu'il devait se trouver ailleurs. Prenant une inspiration, je me retournai vers la pièce. La chandelle n'éclairait pas mieux de ce côté-ci.
À pas prudents, j'avançai entre les obstacles que je reconnaissais à peine comme mes livres. Dans mon esprit torturé, il s'agissait tantôt de mains tranchées, tantôt de cadavre recroquevillé. Le cœur battant à tout rompre, j'arrivai du côté du lit où Felix dormait. Je pensais qu'étant le dernier à avoir tenu le livre, peut-être le trouverais-je près de lui. Et ma réflexion s'avéra correcte. Là, au pied du lit, à demi dessous, gisait le livre. Bizarrement, la lumière le caressait avec chaleur, le faisant apparaître tel un phare dans une mer d'encre.
Sans plus réfléchir, je m'avançai pour le prendre, mais alors que la pulpe de mes doigts effleurait le cuir de la couverture, un frisson glacé me força à me redresser. Avais-je vu ce que je pensai avoir vu ? Tous les muscles de mon corps se tendirent, me laissant dans l'incapacité de bouger. Je la vis, blanche molle, glissant ses doigts sans ongles sur la couverture du livre, la main livide et boursouflée de la lycéenne. Bientôt, sous mon regard impuissant, elle replia ses phalanges meurtries saisissant notre seul espoir. Je devais faire quelque chose. Je ne pouvais pas la laisser s'emparer un peu plus de nous.
« Non...murmurai-je »
Je devais agir. D'un coup, comme si mon corps avait compris le danger, mon pied alla écraser ce qui lui restait de doigts. Mon talon s'enfonça dans ses chaires et ses os se brisèrent avec un bruit sourd, éclaboussant le sol d'un sang noir et puant. Je faillis vomir en sentant le gluant glacé contre la peau nue de mon pied, et le piquant de ses os brisés. Un cri et une douleur résonnèrent en moi, étourdissants et stridents, me faisant oublier quelques secondes les raisons de mon acte. Puis, plus par instinct, que par réelle conscience, je me penchai à nouveau et lui repris le livre et le carnet. Elle ne nous volerait plus rien.
Serrant mes biens contre moi, je reculais jusqu'à être surpris par le mur. Je poussai un petit cri et la pièce se mit à tourner. La chandelle me glissa des mains et la lumière revint alors que des feuilles, puis des livres prenaient feu, entraînant la chambre dans un ballet de flammes brûlantes. Mais je n'en avais que faire, mon regard était fixé sur le lit où gisait, yeux grands ouverts, mais ne regardant rien, l'homme de ma vie. Sa tête roula mollement sur le côté, ainsi, il me fixait de ses yeux aveugles à jamais. Oubliant tout, oubliant jusqu'au feu qui me léchait les pieds, je me précipitai vers lui le serrant dans mes bras. « Félix, réveille-toi, je t'en prie, murmurais-je en tenant son visage sans vie entre mes mains. » Il ne pouvait pas partir ainsi, pas lui. Pleurant sur son cadavre, je me laissais dévorer par le brasier.
Puis plus rien.
J'étais assis, dos au mur, l'ouvrage et le carnet serrés contre moi, la chandelle éteinte à mes pieds. L'aube baignait la pièce, embrassant les draps de sa lueur bleutée. Felix dormait paisiblement, le tissu se soulevant lentement au rythme de sa respiration.
Mon regard glissa sur le sol à la recherche du sang noir, mais rien. Pourquoi étais-je étonné ? C'était encore une de ces visions terriblement réalistes.
Encore tremblant, je posai le livre et me traînai jusqu'au lit pour m'y hisser. Sans me soucier de le réveiller, je pris Felix dans mes bras et embrassai son front chaud. Puis je nichais mon visage dans ses cheveux. J'avais eu si peur. Si peur de l'avoir perdu à jamais. Il remua légèrement dans mon étreinte et me la rendit.
« Je vous aime, murmura-t-il dans le creux de mon oreille. »
Je voulus lui répondre que moi aussi, mais ces mots me semblaient bien faibles pour représenter l'étendu de ce que je ressentais pour lui. L'amour que je lui portais allait au-delà des mots, au-delà même de la préhension. Il n'y aurait jamais un seul mot, une seule phrase apte à décrire avec exactitude l'étendue de mes sentiments pour lui. Je brûlais, je me consumais de sentiments à son égard. Je vivais, à cet instant, uniquement dans le but d'être en sa compagnie. Je n'avais jamais ressenti tel plaisir, telle allégresse à me tenir si proche d'une autre personne.
Mais était-il seulement une « autre personne » ? Il résonnait en moi mieux encore que je ne le faisais moi-même. Il était la pièce manquante à ma vie, au puzzle de mon cœur, de mon âme.
Je compris dès lors l'atrocité de notre sort. Si l'un de nous disparaissait, comment l'autre pourrait vivre ? Ce fut comme si une lame chauffée à blanc me fouillait le cœur, déchirant mon être. Un frisson glacial me parcourut et les larmes me brûlèrent les yeux. Ma gorge devint trop sèche et la réalité trop âpre. Je m'efforçai de garder une contenance, mais la douleur et l'accablement était tel que je ne pus plus retenir mes pleurs.
Je le serrais contre moi, comme si j'avais pu ne faire plus qu'un avec lui pour ne jamais le perdre. Et je ne savais pas si son esprit avait suivi le même chemin que le mien, mais il me rendit mon étreinte en pleurant avec moi.
Ce fut ainsi que la dure réalité s'imposa à nous, si nous devions mourir, se serait ensemble, car aucun de nous ne survivrait à l'autre.
×××
Le livre que nous avait donné Renjun n'était clairement pas qu'un simple livre. L'entièreté de l'ouvrage était codée. J'ignorai encore quels secrets il recelait, mais je ne doutais pas qu'ils soient grands. L'œuvre en main, éclairé de ma chandelle, je tentais d'en déchiffrer la première page. Le titre du livre, nous l'avions déjà trouvé et grossièrement traduit grâce au carnet qui l'accompagnait, "Créatures et histoires de la nébuleuse Algos". Je ne savais pas ce qu'était une nébuleuse et encore moins Algos, mais c'était un début comme un autre et peut être la suite nous en révélerai d'avantage. Je passai plusieurs heures à déchiffrer les premières pages avec l'aide de Félix. Malheureusement, elle ne nous apprirent que peu de choses, et le ratio temps, effort pour les résultats nous découragea. D'après notre traduction il s'agissait d'une sorte de bestiaire doublé d'un livre d'histoire comme le titre nous l'avait indiqué.
Assis face à mon bureau, je restai immobile alors que Félix tournait les pages une à une dans l'espoir vain de tomber sur celle qui nous expliquerait tout. Mais l'ouvrage était si énorme que les chances étaient infinitésimales. Il se pencha sur un des dessins représentant une créature difforme digne de roman d'horreur. Mi-chien, mi-crapaud, elle avait une gueule aussi grande que son corps.
« Les dessins sont vraiment beaux...
— Tu trouves ça beau ?
— C'est techniquement magnifique... Mordant de réalisme. »
Il marqua une pause les yeux perdus sur l'affreux monstre.
« Peut-être pourrions-nous feuilleter ce bouquin jusqu'à tomber sur un dessin se rapprochant... D'Elle. »
Je pesai le pour et le contre. Nous n'avions aucun espoir de finir la traduction avant de perdre l'esprit, mais les chances de réussir à trouver ce que nous cherchions étaient infimes. Nous ignorions presque tout de ce qu'Elle était, nous avions seulement les croquis de Félix et nos souvenirs brumeux.
« Je crains malheureusement que ce ne soit notre seule option. »
Je le tirai sur mes genoux et glissai une main dans son dos. Je ne me lassais pas de ces simples contacts. La chaleur de sa peau irradiait de sous sa chemise.
Nous entreprîmes la longue et fastidieuse tâche de passer en revue chacune des pages. Certaines n'avaient pas de dessin, aussi nous espérions qu'il ne s'agissait pas de ce que nous cherchions. Pages après pages, nous faisions face à des dessins toujours plus effrayant et réaliste. Certains paraissaient même danser à la lumière de la chandelle, leurs membres se déformant horriblement comme pour essayer de nous attraper. Chaque fois que Felix passait à la prochaine feuille, je priai pour que cette recherche cesse. À chaque créature plus effrayante que la dernière mon estomac se retournait. Où se trouvait-Elle ? Devions-nous faire face à l'une des pires races de ces monstruosités ? Malheureusement, plus nous avancions, plus les textes se faisaient courts et les illustrations plus rares.
Je perdais patience et allais repousser notre tache à plus tard quand Félix poussa une petite exclamation. Joie et dégoût se mêlaient à sa voix quand il m'annonça l'avoir trouvé. Je me penchai alors sur l'énorme bouquin et observai la représentation avec intérêt. Le monstre représenté ne ressemblait pas tout à fait à ce dont je me souvenais, ni même au dessin de Felix.
« Tu es sûr ? »
Il acquiesça, le teint livide.
« Je ne peux pas me tromper... J'en suis certain. C'est Elle. Du moins... l'autre... pas la lycéenne.
— L'autre... »
Je frissonnai et me raidis. Rêvais-je ou l'illustration me regardait ? Mais comment pouvait-elle alors qu'elle n'avait que des trous à la place des yeux ? Je déglutis et détournais le regard du papier.
« Elle est ignoble. Immonde, murmura Félix.
— Terrifiante.
— Pouvez-vous traduire le texte ? »
Je ne m'en pensais pas capable. Pas tout de suite... La tête me tournais et même les yeux clos je me sentais basculer. Nous l'avions trouvé et je ne me sentais non pas soulagé mais anxieux.
« P-peut-être devrait-on faire une pause et reprendre au matin. Elle semble nous laisser tranquilles pour le moment, nous devrions en profiter pour nous reposer. »
Il ne me contredit point et je compris qu'il partageait mon angoisse. Qui savait ce que nous trouverions dans ce texte ? Renjun le savait sûrement et il nous avait donné du cyanure pour toute réponse. Ça ne présageait rien de bon et je voulais profiter de cette pseudo-insouciance que nous offrait l'ignorance.
Il m'attira sur le lit et nous nous allongeâmes l'un contre l'autre. Les draps sentaient la sueur et le renfermé, mais aucun de nous n'avait le courage de ranger, ni même de faire une lessive. Nous restions nuits et jours enfermés dans mon appartement, peinant même jusqu'à nous nourrir. Heureusement, Félix avait un peu plus les pieds sur terre et nous forçait souvent à nous restaurer. Sans lui, je serais déjà mort. Mais peut-être n'était-ce qu'une question de temps.
Étonnement, la nuit fut calme pour nous deux. Nous dormîmes bien pour la première fois depuis bien longtemps. À notre réveil, le soleil brillait fort et perçait à travers la fenêtre jusque dans ma chambre. Une belle journée, pensai-je en baisant le front de Félix. Naïf que j'étais, je pensais que peut-être nous nous étions défaits de notre malédiction. Je me levai et m'étirai. Je ne sentais pas bon et en ce matin ensoleillé, je voulus prendre soin de moi. Aujourd'hui, nous trouverions un moyen de nous sauver, j'en étais convaincu. Je ne voulais pas me souvenir de ce jour comme n'étant que l'ombre de moi même au coté de mon amant. Aussi décidais-je de prendre une douche.
Je me rendis à la salle de bain, laissant dormir Felix. J'espérais qu'Elle le laisserait tranquille jusqu'à mon retour et qu'il se réveillerait aussi frais que moi.
Sentir l'eau chaude contre ma peau me détendit. Comment avais-je pu oublier ce simple bonheur ? N'avais-je donc plus aucun goût pour la vie ? Depuis quand les couleurs me paraissaient-elles si ternes ?
La porte de la salle de bain s'ouvrit doucement et un frisson glacé me parcourut.
« Félix ? Demandai-je, espérant de tout cœur que ce fut bien lui.
— C'est moi, répondit-il, la voix pâteuse de sommeil. »
Il devait encore être à demi endormi. Je l'entendis se dévêtir et c'est avec grande surprise que je le vis me rejoindre sous la douche.
Je ne pus m'empêcher de rougir face à son corps nu. Il était si beau. Je lui tendis la main, mais il ne la prit pas, il s'avança vers moi et posant ses mains sur mes joues, il m'embrassa avec envie. Jamais je ne l'avais vu agir de manière aussi sûre de lui et je fus quelques secondes pris de surprise. Je voulus le repousser, mais ses lèvres me dévorait la bouche et je ne pus résister à l'appel charnel qu'il m'imposait.
Je passais mes bras autour de lui et répondis au baiser.
« L'amour, murmura-t-il contre mes lèvres. »
Il avait les yeux clos et il tremblait légèrement. Je resserrai mon étreinte alors que ses mains glissaient sur mon cou, redessinant les contours de ma mâchoire.
« L'amour ne nous sauvera pas, Changbin. »
Sa voix était brisée, comme s'il pleurait, mais aucune larme ne coulait de ses yeux. Puis ses doigts se resserrèrent sur ma gorge. Je sentis ses pouces appuyer contre ma trachée et, bientôt, je ne pus plus respirer. Je posais mes mains sur ses avant bras. Que lui prenait-il ? Pourquoi ? Il me tuait. Il allait me tuer et j'étais si choqué que je n'arrivais pas à mettre de force dans mes gestes. L'eau me coulait sur le visage me brouillant la vue. Le souffle me manquait et la douleur me broyait la gorge et les poumons. Mon cœur battait dans mes tempes et lentement, ma vision s'étrécissait. J'allais perdre connaissance et il me tuerait. Je le savais, mais n'avais pas la force de me débattre. Je tendis une main pour caresser sa joue une dernière fois. Juste une dernière fois.
Une larme s'écrasa contre mes doigts ou peut-être était-ce une goutte d'eau. Puis l'air revint. Je pus de nouveau respirer. Je pris une longue inspiration sifflante me tenant au mur pour ne pas tomber. Ma gorge était en feu et des mouches lumineuses dansaient devant mes yeux. Mon regard flou se porta vers l'homme de ma vie, l'homme qui avait voulu me tuer.
Son visage ruisselant de larmes, il recula hors de la douche, glissa, tomba au sol dans un choc sourd en secouant la tête.
« CE N'ÉTAIT PAS MOI ! JE... JE VOUS EN SUPPLIE PARDONNEZ-MOI ! »
×××
Assis sur le lit, il me regardait avec les yeux emplis de larmes.
« Ne t'en veux pas Félix. Je sais que ce n'était pas toi. C'était Elle. »
Ma voix était brisée et chaque mot me faisait mal. Je n'en voulais pas à Felix. Je savais très bien de quoi était capable notre ennemie. Seulement, je m'en voulais à moi-même de l'avoir laissé m'étrangler sans me battre.
Comment avais-je pu être si égoïste ? Que lui serait-il arrivé s'il m'avait tué ? Se serait-il suicidé ? Et comment ? Il ne savait pas où se trouvait le cyanure...
« Je vais traduire le texte. Repose-toi. »
Il acquiesça et je me tournai vers le livre. Nous ne l'avions pas fermé et il était encore ouvert sur cette immonde créature. À l'apparence d'une femme, elle n'avait ni yeux ni bouche, seulement trois trous béants dont coulait un liquide noir. Nu, son corps n'était que de la peau sur des os. Deux grandes ailes membraneuses comme celles de chauve-souris s'ouvraient dans son dos et ses cheveux n'en étaient pas, ils ressemblaient plus à des tentacules munies de bouches, comme un nid de serpents. Visuellement, elle n'était peut-être pas aussi répugnante que beaucoup des autres créatures précédente, mais le fais que je l'eusse vu la rendait beaucoup plus réelle et terrifiante. Un frisson me traversa de la tête au pieds.
Je me sentais encore un peu faible de la strangulation de mon amant, mais ne perdit pas de temps pour la traduction. Dans ce livre se trouverait la réponse.
Après de très longues heures et quelques coups de main de Félix, je terminais enfin cette traduction.
« J'ai fini. »
Mais je ne voulais pas la lui lire. Je ne voulais pas qu'il apprenne ce que je venais d'apprendre. Des larmes me montèrent aux yeux, mais furent balayer par l'accablement qui me saisit. Je pris le papier sur lequel je travaillais et le relus pour moi.
« Erinyes.
Créatures originaires d'Algos, personne ne sait réellement comment elles sont apparues, mais elles étaient là bien avant l'apparition des premiers Algosiens.
Dans la mythologie Algosienne, les Algosiens seraient issu d'un mélange de sang entre les Erinyes et les (nom inconnu et intraduisible), mais mes recherches me poussent à croire qu'elles ne sont en rien reliées aux (nom inconnu et intraduisible). Ces créatures sont souvent assimilées aux esprits et aux démons présent dans beaucoup de croyances et religions de l'univers.
Leur mode de chasse est encore très vague, et leur choix de victime est arbitraire. Aucun schéma prédéfini. Ce que je sais en revanche, c'est que ces curiosités hantent l'esprit de leurs proies jusqu'à la folie. Elles les harcèlent jusqu'au suicide pour pouvoir se nourrir de leurs âmes au moment ou elles quittent leurs corps.
Je l'ai vu plusieurs fois et je crains de ne jamais pouvoir supporter une telle vision. Le plus terrible, c'est qu'une fois accrochée à sa proie, elle ne la lâche plus jamais.
Très peu connues et rares, personne (à la connaissance de l'auteur) ne sais comment elles se sont répandues en dehors de la nébuleuse. Peut-être en s'attachant à des voyageurs.
Leurs corps ne s'inscrit pas dans les trois premières dimensions, aussi beaucoup de races ne les voient pas. Mais leur présence ne passe que rarement inaperçue. Le froid qui les entoure peut créer des (en rapport avec la météo).
Pour ma part il m'est possible de les voir comme elles se présentent le plus souvent (Cf. le dessin).
Pour tous ceux qui se savent victimes d'une de ces créatures... Je suis désolée. Il n'y a pas d'autre issue que la mort. »
Il n'y avait donc aucune autre issue que la mort. Je tournai mon visage vers Felix, et il dut y lire sa réponse, car il se leva et vint m'enlacer.
Il embrassa mon oreille et murmura à mon cœur :
« Dans ce cas, nous partirons ensemble. »
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro